Ci-dessous, 3 magnifiques clichés pris en contre-jour par votre serviteur. L'aventure commence ensuite.

La superbe découpe en forme de nuage semble être un vice d'époque j'en conviens, mais le plus étonnant reste sans doute cette composition typographique. Si le Mouvement Jeune Communiste de France s'en tire en Avant-Garde, choix pertinent si on tient compte de l'époque (le bâtiment fût achevé en 1971 et l'Avant-Garde, sortie chez Itc en 1970, early adopter), les deux autres se virent attribuer une Didone. Mon sang ne fit qu'un tour. Que venait faire ce caractère taxé de néo-classique, sur l'enseigne du Parti Communiste? Quelle preuve de lyrisme pour le parti des travailleurs, n'est-ce pas ? La majorité du temps, le choix d'une typo s'effectue selon des critères rationnels. Or ici, rien ne semble rattacher cet acte à une quelconque sémantique… En tout cas pas encore.
Les didones (contraction des noms Didot et Bodoni) virent le jour en France à la fin du XVIIIe siècle dans les dessins de Firmin et de Pierre Didot et étaient destinées à l'imprimerie de leur père. Cette famille connue pour l'excellence de son travail, fût avant 1789 l'un des imprimeurs du roi Louis XVI. Durant la Révolution cette perfection leur fît office de passe-droit. Enfin sous Napoléon Ier, le style Didot devint à l'instar du mouvement néo-classique la marque de l'empereur. Il reste aujourd'hui encore une référence de la typographie «à la française».

Portrait de Firmin Didot (1764-1836),
par Girodet De Roussy-Trioson Anne-Louis, 1823
crédit rmn < Une autre personne pouvait se targuer d'avoir traversé les turbulences de l'histoire grâce à ses mérites, il s'agit de Joseph Fouché. Homme d'église, puis Girondin, il vota « la mort » lors du procès de Louis XVI et bascula de fait sur les bancs des Montagnards. Cet homme mata ensuite sauvagement l'insurrection lyonnaise, participa activement à la chute de son ancien ami Robespierre et (re)deviendra Ministre de la Police sous Napoléon et sous Louis XVIII. «Ce singulier génie qui frappa Napoléon d’une sorte de terreur» est aussi l'investigateur du premier manifeste nettement communiste des temps modernes. Bien avant le célèbre écrit de Karl Marx, ce document énergique, en avance dans ses revendications de cent ans sur son époque, ce document, est l’un des plus étonnants de la Révolution1.

Joseph Fouché
« Tout homme qui est au-dessus du besoin doit concourir à ce secours extraordinaire. Cette taxe doit être proportionnée aux grands besoins de la patrie ; ainsi vous devez commencer par déterminer d’une manière large et vraiment révolutionnaire la somme que chaque individu doit mettre en commun pour la chose publique. Il ne s’agit pas d’exactitude mathématique, ni de ce scrupule timoré avec lequel on doit travailler dans la répartition des contributions publiques : c’est ici une mesure extraordinaire qui doit porter le caractère des circonstances qui la commandent. Agissez donc en grand : prenez tout ce qu’un citoyen a d’inutile ; car le superflu est une violation évidente et gratuite des droits du peuple. Tout homme qui a au-delà de ses besoins ne peut plus user, il ne peut qu’abuser. Ainsi, en lui laissant tout ce qui lui est strictement nécessaire, tout le reste, pendant la guerre, appartient à la République et à ses membres infortunés. »2
La conclusion semble maintenant limpide, le Parti Communiste a choisi de rendre discrètement hommage à ce fabuleux tacticien, père occulte de leur mouvement. Et si cette épilogue semble fabulé soit, j'en accepte toutes les conséquences. Devant le désenchantement de notre époque il est bon parfois de remettre du sens là où il n'y en a pas... Et puis l'absurdité n'est elle pas la plus belle des raisons?
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notes:
1. Fouché – Stefan Zweig
2. Extrait de l'Instruction de Lyon – Joseph Fouché et de Collot d’Herbois
« La Révolution est faite pour le peuple ; il est bien aisé de comprendre que par peuple on n’entend pas cette classe qui, privilégiée par ses richesses, a usurpé toutes les jouissances de la vie et tous les biens de la société. Le peuple est l’universalité des citoyens français : le peuple, c’est surtout la classe immense du pauvre ; cette classe qui donne des hommes à la patrie, des défenseurs à nos frontières, qui nourrit la société par ses travaux. La Révolution serait un monstre politique et moral, si elle avait pour but d’assurer la félicité de quelques centaines d’individus et de consolider la misère de vingt-quatre millions de citoyens. Ce serait une illusion blessante pour l’humanité que de déclamer sans cesse le mot d’égalité si des intervalles immenses de bonheur devaient toujours séparer l’homme de l’homme. »2
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