samedi 19 juin 2010

Art Brut Japonais à la Halle Saint Pierre


« Nous entendons par là des ouvrages exécutés par des personnes indemnes de culture artistique, dans lesquels donc le mimétisme, contrairement à ce qui se passe chez les intellectuels, ait peu ou pas de part, de sorte que leurs auteurs y tirent tout (sujets, choix des matériaux mis en œuvre, moyens de transposition, rythmes, façons d’écriture, etc.) de leur propre fond et non pas des poncifs de l’art classique ou de l’art à la mode. Nous y assistons à l’opération artistique toute pure, brute, réinventée dans l’entier de toutes ses phases par son auteur, à partir seulement de ses propres impulsions. De l’art donc où se manifeste la seule fonction de l’invention, et non, celles, constantes dans l’art culturel, du caméléon et du singe. » 
— Jean Dubuffet, L’art brut préféré aux arts culturels, 1949 (Manifeste accompagnant la première exposition collective de l’Art brut à la Galerie Drouin, reproduit dans Prospectus et tous écrits suivants, Gallimard, 1967)

Moriya Kishaba







Dans ce type de création je retrouve une sincérité, une force, une radicalité que je peine à retrouver dans les productions actuelles. En effet les fous ne se formalisent de la bienséance des artistes contemporains.
C'est donc plein d'entrain que je décidais de visiter l'exposition sur l'Art Brut Japonais dont certains artistes avaient été exposés à Lausanne quelques mois auparavant.

Cette exposition se tient à la Halle St Pierre, à deux pas du sacré cœur, une de ces adresses dont seule "La Ville de Paris" à le secret, toilette à pièces, coin café au service fatigué et librairie mélangeant ouvrage sur l'art naïf et souvenir de Montmartre. C'est dans ce joyeux capharnaüm que se déroule du 24 mars 2010 au 2 janvier 2011 l'exposition sur l'Art Brut Japonais.  On a d'ailleurs l'impression que la thématique de la halle sert d'alibi à ce je-m’en-foutisme. Abstraction faite de ce cadre «idyllique», les œuvres présentées sont passionnantes et valent le détour.

Ueda Shiho




L'écrit y occupent une place très importante. On ressent une telle nécessité à communiquer par tous les moyens chez certains de ces artistes, que l'on ne peut rester insensible devant tant d'énergie déployée. Qu'ils aient recourt à une graphie classique ou un système totalement imaginaire, le résultat est souvent inintelligible à la lecture. Il faut prendre du recul (au propre comme au figuré) pour aborder ces tableaux et tenter d'en saisir leurs contenus. L'exercice est finalement très abordable et on finit rapidement par entamer un dialogue avec l'œuvre.

Car ces gens sont fous, torturés, malades! Pourtant, cette souffrance sourde et introvertie les a rendu ultra sensible à un détail qu'ils ressassent inlassablement à la recherche d'une réponse. De ce travail de l'absurde se dégage une grande force. La radicalité des solutions plastiques, associée à une économie moyens, rend la démarche passionnante. On retrouve une grande pureté du geste dans ces oeuvres comparables à certain chef d'oeuvre de la calligraphie/peinture asiatique. Un moment d'une grande beauté...

Iwasaki Tsukasa



Kittaka Hiroe


Karimata Akihiro




Sakuta Yuichi




Shibata Takako






Shimoda Takahiro




yuichi saito






Yuji Tsuji



Uezato Hiroya







Merci au Spirit Museum dont l'ensemble des reproductions photographiques sont issues.
Plus d'information http://www.art-brut.jp/