mercredi 12 août 2009

Né dans la rue @ la fondation cartier



La fondation Cartier nous gratifie habilement d'une énième exposition sur le graffiti et de son rapport au mouvement hip hop. Cette rétrospective émoussée, bien que réalisée avec plus de moyens que d'habitude, se borne encore une fois à décrire ce mouvement comme un art folklorique.

Exposition de marqueurs «authentiques et officiels», reproduction d'un whole-train de Seen, etc... tout le sous-sol est utilisé pour célébrer l'esprit «euphorique» des années 80 à grand renfort de films et de photos d'époque (Style Wars, Wild Style, Martha Cooper...). Rien ne manque, surtout pas l'inamovible SAMO de Jean-Michel Basquiat censé légitimer auprès des derniers indécis du caractère artistique de la chose. Les côtés subversif et agressif y sont totalement remplacés par une représentation pittoresque et naïve.

Rappelons tout de même que le graffiti n'est pas né dans les années 80, mais à la fin des années 60 à Philadelphie. Il est l'évolution des marquages territoriaux des gangs au profit d'un seul individu revendiquant sa propre existence. Ces références sont largement oubliées et contribuent à la cacophonie générale liée à cette expression.

Le monde de l'art, que l'on pourrait plus allègrement appeler le monde de la finance, considère qu'un mouvement artistique existe à partir du moment où il est en galerie. En d'autres termes, un mouvement artistique nait lorsqu'il y a un marché.

«Au tournant des années 1970 et 1980, le mouvement connait une transition qui va définitivement l’implanter dans le paysage culturel new-yorkais et contribuer à sa diffusion hors des frontières de la ville et du pays. Le monde de l’art commence à s’intéresser au graffiti et certaines galeries se consacrent presque exclusivement à exposer des travaux de graffeurs.»*

On comprends mieux alors pourquoi cette partie a été traitée même si historiquement très peu d'artistes ont fini par intégrer le marché de l'art à cette époque. Mais le plus étonnant peut-être est l'absence totale de problématique sur une thématique de ce type. Le commissariat de l'exposition, reposant sur un consensus «limite subversif», peine à cerner un mouvement pictural comme le graffiti ayant une réelle résonance sociétale. Les œuvres ou pièces sont présentées sans autre fonction que la production d'un effet spectaculaire.

Dans leur grande bonté, les curateurs ont daigné aborder la partie hors-US qui depuis maintenant 10 ans est à l'origine des principales mutations du mouvement. Malheureusement ce qui était consensuel au sous-sol frise le pathétique avec la partie européenne au rez-de-chaussée. Si je comprends parfaitement la motivation pécuniaire de certains «writers», une telle sélection n'apporte rien et surtout met en lumière l'indigence culturelle qui entoure la compréhension de ce phénomène.

Seuls les films présentés réussissent à échapper à l'aspect décoratif et à rendre l'énergie de cette culture. Pixo réalisé par João Weiner et Roberto Oliveira, Dtagno, et Nug justifient à eux seuls la visite de ce showroom. On notera l'analogie particulièrement pertinente entre graffiti et art brut soulevée dans le film brésilien.

Cette exposition ravira le chaland (qui fait d'ailleurs la queue pour y rentrer) et le néophyte (qui a pu s'entrainer sur le mur de la fondation), en somme un joli «graffiti-plage».





En guise de fin un petit article glaner sur ce site à propos de Cornbread:
Le premier taggeur se nomme Cornbread et débuta sa carrière en taggant "Cornbread loves Cynthia" sur les bus, les trains, les voitures de police et les murs des édifices de la ville en 1968.
Un peu plus tard, une mauvaise couverture médiatique proclama, en 1971, qu’il était mort. Pour prouver à la population qu’il était bien vivant, il se rendit au zoo local et peignit « Cornbread lives » (Cornbread est vivant) sur les flancs d’un éléphant.

Par la suite, on le mit au défi de peindre son « tag » sur l’avion du groupe musical «The Jackson Five », exploit qu’il réussit à accomplir à l’atterrissage de ces derniers, à l’abri du regard des autorités.

La signature de Cornbread est particulière. Il s’agit d’un « tag » surmonté d’une couronne juste au dessus du « B » de son pseudonyme, qu’il s’est d’ailleurs auto-octroyé puisqu’il adorait ces petits pains au goût sucré que sa grand-mère lui concoctait.



3 comments:

Jean-no a dit…

En passant, je pense que le graffiti hors US a bien plus que dix ans. Sans parler des premiers pas plutôt anecdotiques de graffiteurs du début des années 1980 on peut poser comme jalon majeur de l'histoire d'un graffiti international la parution du livre Spraycan Art en 1987. D'ailleurs, et c'est forcément intéressant pour des graphistes, l'histoire du graffiti à partir du milieu des années 1980 est indissociable de l'histoire de publications telles que Subway Art, Spraycan Art, etc.
J'hésite à aller voir cette exposition... La première expo de graffiti que j'ai vu était "Arte de Frontiera" en 1985 à Milan. On y voyait Ramelzee, A One, Lee, cotoyer des artistes qui ont fait leur chemin plus vite comme Harring et Basquiat. Très œcuménique, ça m'a ouvert à l'idée que le graffiti pouvait être autre chose qu'une culture d'initiés. Ce qui m'a le plus intrigué à l'époque, c'étaient les graffitis réalisés par Lady Pink pour le compte de Jenny Holzer.

Unknown a dit…

Dans leur grande bonté, les curateurs ont daigné aborder la partie hors-US qui depuis maintenant 10 ans est à l'origine des principales mutations du mouvement.

En fait, je ne parle pas de l'émergence du graffiti hors-us mais du moment où celui-ci a pris part de manière significative à l'évolution du mouvement (plus uniquement sa répétition). On peut à mon avis, situer ce tournant à partir de la première élection de Giuliani en 1993 à NYC. La répression et le vieillissement du mouvement aux Usa, coïncide à peu près à son explosion en Europe. Je te concède que c'est une interprétation un peu subjective et qu'elle mériterait d'être approfondie.

Concernant les publications et leur rôle dans la diffusion du mouvement, ce rapport est effectivement extrêmement intéressant voire primordial. Le problème au contraire, c'est que les rétrospectives ne se résument qu'à ça.

J'espère d'ailleurs que la future expo de la Galerie du Jour ne tombera pas dans les mêmes travers.

Ps: Je connaissais ton site depuis un moment car tu avais fait pointer un lien sur EGO6 et j'étais tombé dessus comme ça. A très vite @ Paris 8.

fuzi uv tpk a dit…

J ai vu cette expo il ya quelques jours et en suis sortit mal à l aise .J y ai réfléchis ,luttant contre ma révolte trop instinctive et l utilisation de mots clichés comme "vrai" "récupération" ou pire encore "guetto" ou "art" .
Le graffiti est beau dans l acte de rebellion qu il impose aux autres pas dans le résultat .C est pas de l art ,c est de la liberté d expression.. le graffiti est né dans la rue c est vrai ,c est la qu il s y dévellope et qu il grandit ,ne l enfermait pas dans les musées il y perd son ame.
ps :j expose actuellement mes toiles dans une galerie,je suis un vendu ,mais c est pas du graffiti ,c est de l art,sa compte pas..