Octavo est l'aventure typographique réalisée par 8vo (8 = Octa) en référence à la méthode de pliage éponyme apparue au début du XVIème siècle dans les ateliers d'Alde Manuce.
Ce magazine est paru 8 fois (le dernier numéro est un CD-ROM) entre 1986 et 1992 en Angleterre sous l'impulsion de Simon Johnston, Mark Holt et Hamish Muir.
A travers cette publication, ils tentèrent de réagir au graphisme en vigueur à cette époque en Angleterre, "towards the whimsical, gently humorous side of English culture creamy, watermarked paper, centred, serifed type; punning illustrations." (fantaisie, humour anglais, papier filigrané, composition centrée en serif , illustrations de jeux de mots). Les années 80 furent aussi marquées par l'arrivée du "design as big business" tirant le marché vers les consultants. Kidnappé de toute part, le graphisme était pris en étau d'un coté par le marketing et de l'autre par les comptables. 8vo croyait, eux, au potentiel de la typographie comme véhicule d'une communication créative et populaire. En effet la connaissance typographique était alors la chasse gardée d'une élite "old-school" recluse dans un académisme forcené et peu enclin à une diffusion vers le grand public.
Après plusieurs mois de réflexion, Octavo fût lancé de manière totalement indépendante sans aucune publicité ou sponsor, avec le désir de développer un forum de discussion relative à la typographie mêlant contextes historique et contemporain. Leur indépendance financière a permis à cette revue d'être ouvertement critique vis-à-vis de la situation du design en Angleterre.
Leur militantisme se voulut donc structuré et typographique, héritage de leur apprentissage à Bâle sous la baguette de Wolfgang Weingart.
Tous les numéros furent produits au format A4 avec 16 pages de texte (à partir d'un A1 plié) et composés en Haas Unica. Les articles étaient réalisés par des graphistes (Wim Crouwel, Wolfgang Weingart, Robin Kinross, Peter Mayer,...), mais aussi par des historiens et des journalistes (Martin Pawley)

L'enjeu fut d'expérimenter de nouvelles approches du design afin de mieux servir le contenu. Ce questionnement est intervenu à un moment-clé de la production graphique car il a su anticiper l'arrivée de l'ère informatique. Chaque numéro était l'occasion pour eux, de repousser les limites de leurs outils de création. L'évolution de leur média est d'ailleurs presque aussi intéressante que son propos.
Octavo est reconnu aujourd'hui pour avoir joué un grand rôle dans l'évolution du graphisme anglais au même titre qu'Emigre en Californie. Preuve que les règles ont besoin d'être apprises puis éprouvées, afin de pouvoir évoluer (la mutation des interfaces web en est un exemple récent).
8vo a par ailleurs réalisé les affiches du mythique club Haçienda (dans lequel la House a pris son essor en Europe) appartenant au label Factory Record (Joy Division, New Order,...) et les pochettes du groupe Durutti Column. Preuve qu'un travail de qualité et réfléchi peut avoir une vocation populaire sans pour autant devoir subir une censure populiste. On comprend ainsi que l'origine de ces dictats publicitaires ayant recours a de multiples effets graphiques et marketing, n'a d'ambition que la non-information volontaire du consommateur.


Sources:
On the Outside | 8vo — Lars Müller Publishers
Photos par Etienne Mineur & Slideshow par insect54 (Merci à eux)
Article sur Octavo en Français issu de la revue Azimuts n° 7/8 scanné par Design Lab
Article en Anglais assez complet sur 8vo
http://www.eightvo.co.uk/(non officiel)
2 comments:
C'est un article très intéressant. Il est très excitant d'observer que des précurseurs de nouveaux courants artistiques a priori distincts tels que fut Octavo ou la Factory ont collaboré ensemble. Certaines langues pendues auraient appelées çà la (le?) hipness...
J'aimerais toutefois émettre un léger regret au sujet de la fin de cet article. La conclusion est, à mon sens, un peu hâtive. Que la publicité aux moyens d'effets graphiques et du marketing n'ait d'ambition que "la non-information volontaire du consommateur" c'est une chose, certes, mais est-il établit qu'Octavo était un mouvement antipublicitaire à proprement parler ou est-ce là que la simple expression de l'opinion de l'auteur...?
De même, l'expression de "vocation populaire" est je trouve à peu forcée sur le travail d'Octavo. Doit-on nécessairement rattacher leur travail à un objet politique (au sens large du terme), luttant contre une "censure populiste"?
Le travail d'Octavo n'a jamais eu une vocation élitiste bien au contraire, leur objectif était de diffuser leur savoir.
Pour ce qui est de la publicité il est je pense important de discerner la communication de la publicité. Même si cette dernière fais tout pour que cette distinction ne soit pas faite. La publicité tente de nous faire croire qu'elle nous informe. Son véritable dessein est de créer du spectacle afin de divertir le consommateur/spectateur or il me semble que la relation avec la marchandise n'est plus à faire.
“Le spectacle est le moment où la marchandise est parvenue à l’occupation totale de la vie sociale”
Citer Guy Debord peut paraitre facile si toute fois les protagonistes ni faisaient pas eux-même référence.
http://www.etapes.com/video/betc-1-2
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