Dans cet article je tenterai de traduire une recherche typographique que j'ai mené à l'occasion d'une commande à Shanghai. Je cherchais une linéale pour le corps du texte d'un livre d'artiste. Je souhaitais vraiment faire le choix de la lisibilité et de la fonctionnalité. Je m'étais souvent posé la question: quel est l'alphabet le plus lisible à l'écran ? Lequel se dessine le mieux sur le papier ? L'interlettrage par défaut est-il le bon ? Etc…
J'ai donc opéré un benchmark comme on dit en informatique, sur plusieurs fontes. J'ai laissé l'interlettrage et l'interlignage par défaut le tout en corps 10pt. Comme texte de substitution j'ai eu recours à un extrait de Chronique Japonaise de Nicolas Bouvier, clin d'œil au périple que je venais de vivre.
Helvetica Neue, Frutiger, Univers de chez Linotype
Arial de chez Microsoft
Akkurat de chez Lineto
Neutral BP (en version d'essaie) de chez Bp
Parisine de chez Typofonderie
Meta et DIN de chez FontFont
Commençons par le dessin même de la lettre









On peut déjà distinguer plusieurs familles.
Entre les Helvetica-Like, Frutiger-Like, Meta et Din.
Passons maintenant à un examen plus précis du dessin de caractère.
> L'œil et le contrepoinçon du "a" (n'hésitez pas à cliquer pour agrandir)

On remarque qu'il existe une grande différence au niveau de l'attaque de la panse. Certaines tentent de récupérer la continuité du jambage (Helvetica Neue, Arial, Parisine, Akkurat) alors que d'autres ont une attaque très proche de l'orthogonalité. L'Helvetica Neue, l'Akkurat et la Parisine arborent une queue inférieure très marquée, alors qu'elle disparait chez les autres (Din, Arial, Neutral, Univers, Frutiger).On peut distinguer deux catégories de queue supérieure, l'une présentant une courbe proche de la boucle (Helvetica Neue, Arial, Univers, Neutral Bp, Akkurat) et la seconde dont l'extrémité du jambage est plus rectiligne (Frutiger, Meta, Din, Parisine).

Points créés lors de la vectorisation. N'étant pas spécialiste en la matière je me bornerai à remarquer une simple divergence numéraire. Néanmoins cette vue permet de mieux visualiser mes précédents propos.

La lettre "k". La diagonale inférieure prend racine au niveau du jambage supérieur pour l'Univers, le Fruitiger et le Meta et directement sur la diagonale supérieure pour les autres. On notera aussi que l'extrémité du Meta affiche une légère inflexion.

La comparaison des "X"est intéressante car elle montre que le centre de gravité de tous ces alphabets est le même. Exception faite pour le Neutral. On signalera aussi que certains affichent une symétrie presque parfaite entre leurs parties inférieure et supérieure.
Les "R" présentent des diagonales inférieures plus ou moins enchaînées. On peut utiliser cette lettre comme un bon référentiel d'un alphabet. Le "Q" par sa singularité peut aussi être utilisé à cet effet.
Cette première partie révèle déjà pas mal d'informations.
Helvetica Neue: il n'est pas le caractère le plus neutre dans sa construction mais il présente une harmonie indéniable tant dans sa forme que dans son équilibre. Ses contrepoinçons sont larges et bien dessinés. La différence entre les basses et hautes casses est claire et sans équivoque.
Arial: Souvent décrié comme une pâle copie de l'Helvetica, l'Arial prouve ici qu'il ne faut pas le négliger. Issu lui aussi de l'interprétation de l'Akzidenz-Grotesk (AG), il a ses spécificités. Nous verrons dans la deuxième partie la manière dont il fonctionne.
Neutral Bp: Le processus de création de cet alphabet concorde parfaitement avec l'objet de ma recherche. Pour plus de détails, je vous invite à consulter le livret qui lui est associé. Le Neutral présente majoritairement une hauteur de capitale plus grande et un centre de gravité plus haut. Son "a" se rapproche de l'Univers alors que son "R" tend plutôt vers une AG, son "Q" arbore une forme proche de l'Helvetica Neue mais avec une panse plus ovale. Il est aussi plus gras que ce dernier.
Akkurat: Comme pour la Neutral, L'Akkurat est un alphabet contemporain créé dans la continuité des sans-serifs suisses. Il est intéressant de voir que ni l'une ni l'autre n'a conservé le "R" du Helvetica et que le "Q" présente aussi une panse plus ovale tout en conservant la queue.
Pourtant il présente un aspect plus crochu, son "l" est assez similaire à celui du Din, son "t" et son "a" affichent aussi un spur bien marqué.
Univers: Premier Alphabet à avoir une vocation universelle, son dessin est très franc et bien gras. Il est aussi moins rond et plus compact que l'Helvetica. Il reste pour moi aujourd'hui encore un caractère de référence.
Frutiger: Initialement crée pour l'aéroport Charles De Gaulle, le Frutiger reprend les caractéristiques de l'Univers et de la Gill sans. Il est en découle un alphabet ni géométrique ni humaniste, ses formes sont conçues de façon à ce que chacun de ses caractères soit facilement reconnaissables et identifiables, qu'on le regard de prés ou de loin. Il est pour ainsi dire très connoté années 70, ce qui lui donne son charme. Ses lettres sont bien grasses et ouvertes.
Parisine: Conçu pour la Ratp, le Parisine dispose d'une documentation complète sur ses conditions de création. Dessiné sur une base d’Helvetica Bold étroitisé à 90%, le Parisine Bold est conçu plus ouvert pour rétablir les pertes dues à l’étroitisation. Comme le Frutiger, il opte pour une "forme spécifique de chacune des lettres individuelles".
Meta: Initialement prévu pour la Poste allemande pour "l’impression en petit corps sur du mauvais papier", il ne reçu pas son approbation. Néanmoins, il fut lancé commercialement un peu plus tard et connu un grand succès qui lui valu le surnom “d’Helvetica des années 1990”. Son dessin est assez différent des autres linéales, on sent une réelle volonté de l'auteur d'humaniser son caractère. Il est dans l'ensemble plus étroit et plus maniéré que les autres. Son "k" et son "Q" témoignent d'ailleurs dans ce sens. Autre curiosité son "J" présente un jambage inférieur. Dans son ensemble ses liaisons et ses fût restent bien francs malgré une inspiration romane palpable.
Din: De loin l'alphabet le plus brut, il est considéré comme étant le caractère historique de signalétique allemande. Il est d'ailleurs toujours utilisé pour les autoroutes outres-rhin. Son dessin initial était basé sur un trait continue (la Din 1451), ce principe a été abandonné depuis. Si vous désirez plus d'information, je vous conseillerais la série d'articles écrits, par le dessinateur de la ff Din, Albert-Jan Pool pour l'e-magazine "Encore"(lien). Par sa brutalité, sa forme dégage une impression de technicité et un aspect assez froid. Contrairement aux autres alphabets, l'AG n'est pas à la base de son dessin. Cette singularité lui confère ses propres qualités. Ses caractères sont moins gras et très proportionnés, ils sont aussi moins larges, lui donnant cet aspect rigide et étiré. Son "l" présente un spur, son "Q" est bien ovale et ses contreformes sont larges.
Ainsi se termine la première partie, j'attendrai de bien analyser le fonctionnement de ces caractères dans leur utilisation pour tirer de vraies conclusions.
3 comments:
Cette comparaison n'a aucun sens, il y a un gros problème méthodologique, une méconnaissance de la pratique typographique et des contresens choquants dans cet article.
Premièrement, une comparaison formelle devait se faire à armes égales, en l'occurence en comparant les signes selon leur hauteur d'x et non selon leur talus. Comparer lettre à lettre n'a aucun sens puisque ce n'est pas ainsi que le caractère sera utilisé: c'est la silhouette globale d'un mot, d'une ligne, qui est perçue… Un petit œil aura des silhouettes moins distinctes mais des contreformes plus grandes, et inversement.
De la même manière, la langue, la longueur de justif, etc sera autrement plus déterminant dans la lisibilité. Mais peut-être cet article n'est pas terminé?
Comparer DIN, Helvetica, Parisine etc sur le nombre de points de la lettre en vectoriel est encore plus étrange: selon les formats de fontes ce nombre de points varie, avec une incidence infime sur le dessin (même dans le pire cas de la conversion automatique). De plus, le Parisine y est présenté en version TrueType alors que ce format n'est pas disponible à la vente.
Tant qu'on est sur le Parisine, on peut aussi commencer sur les incohérences: le Parisine n'a l'Helvetica en référent UNIQUEMENT pour la chasse, pas le design , écrire autre chose est mensonger.
Pour ce qui est du vocabulaire, votre manque de précision dans la description de l'anatomie de la lettre est choquant au vu du ton docte employé par ailleurs.
Ensuite:
"Arial: Souvent décrié comme une pâle copie de l'Helvetica". C'EST une copie de l'Helvetica, car c'était le brief de base du projet.
"Frutiger: Initialement crée pour l'aéroport Charles De Gaulle" FAUX c'est simplement son premier usage le plus connu.
"le Frutiger reprend les caractéristiques de l'Univers et de la Gill sans": FAUX tout au plus peut-on admettre que c'en est une hybridation, mais c'est plutôt osé comme assertion.
"Din: De loin l'alphabet le plus brut, il est considéré comme étant le caractère historique de signalétique allemande." Il n'est pas "considéré comme", il EST…
"Contrairement aux autres alphabets, l'AG n'est pas à la base de son dessin." Ni des autres… Revoyez vos classiques.
Je te remercie de prêter attention à mes articles mais il est dommage que tes critiques ne soient pas plus constructives. Je vais donc répondre point par point à tes dires.
Comme tu l’as toi-même fait remarqué dans ton commentaire, mon dernier post est la première partie de mon article.
Le fonctionnement de ces fontes sera analysé dans une seconde partie comme je l’ai annoncé.
Pourquoi ne pas avoir travailler sur la hauteur d’x ?
Le système de « hauteur d’x » n'est pas une donnée standard, adopté par toutes les fonderies, c’est pour cela que la taille d’un caractère reste toujours une donné variable. Si ma mémoire est bonne, Berthold avait d'ailleurs proposé un autre système basé sur la hauteur de capitale. Mais la principale raison n’est pas là, j’ai décidé de baser ma petite étude à partir des réglages standard des fontes prenant comme unité un corps 10. Dans la cadre de cette petite recherche, il me semble justement plus intéressant de comparer les disparités qui existent entre diverses fontes à partir d’un référentiel commun, surtout dans le contexte presque uniquement numérique de la composition actuelle.
Cette hauteur de caractère me semble d'ailleurs assez négligeable dans mon cas.
Dans cette première phase, j’ai surtout essayé d’analyser l’architecture des lettres.
Le nombre de points de la lettre en vectoriel?
Là encore je ne comprends pas, je ne porte justement aucun jugement particulier. Je trouve cette vue pertinente car elle donne un aperçu de la construction de la lettre.
Parisine?
Il me semble que sur ce sujet tu dois faire référence, compte tenu de ta connaissance du projet. Mais pour ma défense je citerai le texte de Porchez qui, il me semble, n’est pas très clair. Cependant concernant son dessin, si le Parisine ne part pas directement de l’Helvetica, le processus de création y fait clairement référence, se répercutant ainsi sur son design.
« C’est de là qu’émerge l’idée d’un caractère du genre de l’Helvetica mais spécifique à la Ratp, chassant moins que le premier, tout en étant aussi lisible. Et le Parisine naquit vers 1996. Dessiné sur une base d’Helvetica Bold étroitisé à 90%, le Parisine Bold est conçu plus ouvert pour rétablir les pertes dues à l’étroitisation. Ses formes sont comparativement plus douces et rondes. L’horizontale est légèrement plus grasse que la normale pour compenser la verticalité due à la chasse étroite. Les formes spécifiques de chacune des lettres individuelles sont optimisées, dans le but de mieux les différencier tout en préservant l’unité d’ensemble.»
Arial?
Une copie oui, mais pas forcément pâle… Je te renvois à ton propre article dans la revue Ink n°3
Frutiger?
J’ai été particulièrement étonné de tes remarques sur le Frutiger. Il a été dans ça première forme appelé Roisy (1968) en référence à l'aéroport Charles-de-Gaulle pour lequel il a été conçu par Frutiger.
En 1976, il développa et compléta cette famille baptisée Frutiger pour D. Stempel AG en collaboration avec Linotype.
Je te renvois donc directement sur la page de linotype, n’hésite pas à leur dire si tu es en possession d’information inédite.
http://www.linotype.com/fr/469/frutiger-famille.html?PHPSESSID=0e3e1384ebdaa8eec9a914e95c209723#
Tu trouveras aussi dans ce magazine une interview de Frutiger.
http://www.magtypo.cz/buxus/generate_page.php?page_id=345
I designed the "Roissy" for Charles-de-Gaulle Airport in Paris in early 1970s, and in 1976 Hansjörg Hunziker adjusted it in my studio in Paris for printing, calling it "Frutiger" for legal reasons.
Concernant ma comparaison avec l’Univers et la Gill Sans, la première me semble évidente. Tant dans son système (il a été livré en 5 graisses différentes) que dans son design.
Pour le Gill, cette comparaison a été esquissée par Peter Gabor dans son article sur Frutiger. Elle m’a semblé judicieuse au regard du travail sur la forme des caractères.
Cette idée a aussi été reprise sur la page Wikipédia de l'alphabet.
Malgré ta mauvaise foi, tu admets quand même que c’est une hybridation.
Hybridation:
[…] c'est le fait de croiser deux espèces ou deux genres différents, pour provoquer la naissance d'hybrides, qui présentent, à un degré plus ou moins marqué, des caractères spécifiques des deux parents.[...] Encyclopedie Universalis
C’est gentil de confirmer ce que je dis
Din?
Le Din a d’abord été le caractère des Chemins de Fer Allemand. C’est avec les réformes nazies en 1933 (fermeture de l’ecole du Bauhaus) puis en 1939 (Utilisation pour les Autoroutes) et pour finir 1941 avec la prohibition des autres caractères (Les Frackturs et les Antiquas) qu’il connut son véritable essor. Si son utilisation s’est généralisée au secteur militaire, il semble que c’est le Futura qui tenu le macabre rôle d’alphabet de prédilection pour la propagande.
Toutes ces informations, à mon avis, justifient mon « considéré » car il n’en a pas toujours été ainsi. Là encore, je t’invite à consulter l’article rédigé par Albert-Jan Pool (dessinateur de FF DIN) publié dans le webzine Encore Magazine.
AG?
L’AG a eu une influence (directe ou indirecte) notable sur l’ensemble des caractères que j’ai présenté, exception faite du Din dont les premiers dessins sont antérieurs à ceux de l'AG.
Si tes connaissances techniques sont indéniablement plus complètes que les miennes, il n’en est pas de même pour tes connaissances historiques apparemment, mais peu importe tu n’as pas besoin d’avoir ce ton si pédant. Ce blog est un lieu d'échanges, tes remarques sont les bienvenues si elles vont dans ce sens. Je n’ai jamais prétendu détenir la connaissance ultime bien au contraire c’est pour cela que je m’active à ces recherches et que je les partage.
Pour finir je reprendrai l’article de Peter Bilak paru dans Marie-Louise numéro 1:
« Les typographes ont en commun avec les programmeurs, les biochimistes, les entomologistes et les agronomes un jargon inintelligible et une dévotion servile à leur recherche; ce qui les différencie, c’est la futilité apparente de leurs discussions…”
Je reste sur mes dires, comparer des caractères sur autre chose qu'une hauteur d'x est incohérent. C'est, contrairement à ce que vous dites, la seule manière sensée de comparer des caractères. La hauteur d'x est un élément de design, pas de technique, c'est pour cela qu'il est impossible d'affirmer qu'une cors 10, par exemple, sera plus lisible qu'un corps 8… Comme je conçois que mon opinion ne vous fasse pas d'effet, vous pouvez vous reporter à d'autres: http://blogs.univ-paris5.fr/hy08228/weblog/4888.html
Sur le Parisine, je recommence:
Imaginez, sur un tableau noir, que l'on dessine un Helvetica étroitisé à 90%. On trace la chasse de ces lettres. On EFFACE ces dernières pour dessiner un nouveau caractère. C'est à peu près le processus. Alors oui, une base d'Helvetica est à l'origine d'une contrainte technique de création du Parisine, et ça s'arrête là… N'allez pas mettre dans le même panier une grotesk et une linéale humanistique… Même chose pour Univers vs Gill Sans, vous mélangez principes de création (concept) avec contraintes techniques, marketing etc… Un peu de pratique de la calligraphie aiderai à comprendre.
OK pour Roissy, au temps pour moi.
Univers <> Frutiger <> Gill, hybridation… Ça me semblera toujours gonflé comme rapprochement. Ne serais-ce que par l'axe.
DIN: oui, on met des mots différents sur un même fait… "Considéré comme" étant moins fort que "est…".
AG: ne vous arrêtez pas à ce que vous savez: Il y a beaucoup plus d'influence de la Caroline, par exemple, sur le Gill, que n'aura jamais l'AG. Ce n'est pas parce qu'il n'y a pas d'empattements sur une lettre qu'elles sont toutes comparables… Grotesk (AG), Humanistiques(Gill), Modulaires (DIN), ne mélangez pas tout…
Nous ne détenons pas ni l'un ni l'autre la science infuse, loin s'en faut, la preuve ici même… Mais aux contresens conceptuels je préfère les erreurs historiques pour ma part. La technique n'a aucun intérêt.
Bon courage pour la suite de votre article.
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